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9 mai 2011 1 09 /05 /mai /2011 10:51

 

Début http://le-bosse-fort.over-blog.com/article-auschwitz-et-birkenau-impressions-d-un-pelerin-1-73491567.html

3ème question : l’attitude des visiteurs.

Pour mettre dans l’ambiance du problème, et sans pour autant vouloir entrer dans des polémiques sans fin http://www.rue89.com/2010/07/19/peut-on-danser-devant-auschwitz-une-video-fait-polemique-159174,  je citerai ce témoignage pris au hasard de pages web :

 

‘’ […] Aussi ai-je été contrarié par le comportement déplacé de certains visiteurs,

certains se faisant par exemple photographier devant la potence où a été pendu Rudolph Höss, commandant d'Auschwitz, comme s'ils se trouvaient devant un site touristique, ne réalisant apparemment pas dans quel lieu ils se trouvaient.’’ (… on l’espère !)

http://www.ciao.fr/Auschwitz_Pologne__Avis_978816(in fine)

(Pour les sceptiques, une illustration de la scène décrite est visible sur

http://tackytouristphotos.com/2009/07/deathcamp-dorks-part-3/ )

 

http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/auschwitz-et-le-tourisme-de-la-28684

semble lui répondre, comme dans un écho d’étonnement de bon sens ironique :

 

‘’ Après le passage devant la caisse, il suffit de quelques pas pour tomber nez à nez avec la fameuse grille d’entrée surplombée de l’inscription en fer forgé « ARBEIT MACHT FREI ». Quelques personnes attendent leur tour pour aller se faire photographier plus ou moins discrètement sous l’un des plus fameux slogans de l’histoire. J’avoue que c’est un peu le genre de scène auquel je craignais d’assister. Mais quel avenir ces visiteurs réservent-ils à la photo de leur trombine devant la porte d’un ancien et terrible camp de concentration ? Trouvera-t-elle sa place sur une étagère dédiée à l’Europe, entre la tour Eiffel, le Colisée et Big Ben ? ‘’

 

Des témoignages de ce type, il y en beaucoup sur l’Internet, des photographes s’étant spécialisés dans l’image du visiteur à l’attitude allant d’étonnante à ‘’il-y-a-des-claques-qui-se-perdent- !’’. En voici quelques-uns

http://prisonphotography.wordpress.com/2009/02/13/roger-cremers-auschwitz-tourist-photography/   

(Désolé, je ne retrouve plus cet autre site qui m’avait tant étonné… et arraché des sourires authentiques ou de dépit ; sauf erreur de mémoire, il s’agissait de celui d’une photographe cracovienne qui présentait des touristes se promenant dans une tenue tout à fait adaptée pour se rendre à la plage, sans doute moins pour déambuler à travers ces lieux de mémoire, le plus ‘’amusant’’ des instantanés étant une femme d’âge mur qui se fait photographier à l’entrée d’un abri anti-bombardements, avec un commentaire qui ironise –l’humour est un moyen classique pour évacuer le stress du mal être- de manière grinçante sur les fours à pizzas et… d’autres fours. Si quelqu’un le trouve, bien vouloir me passer le lien, merci J)

A noter que je n’ai assisté à aucune scène véritablement choquante, mais au cours de la période estivale (5),  je veux bien croire qu’Auschwitz puisse devenir, comme l’écrivait un bloggeur ébahi par un article du  Nouvel Observateur (http://www.marianne2.fr/Auschwitz-bientot-Disneyland-de-l-horreur_a178098.html), ‘’le Disneyland de l’horreur ’’, sorte de thriller sortant tout droit de chez Madame Tussauds section Musée des Horreurs de la Réalité Historique taille XXXXL (6) - (… car c’est bien l’immensité des lieux qui frappe à Birkenau, entreprise de destruction humaine à grande échelle sur un plan d’urbanisme carcérale et d’architecture reposant sur la rationalisation du travail ; s’il avait ignoré que la matière première exploitée était le corps humain, Taylor n’aurait pu qu’approuver l’application des méthodes utilisées ici : effrayant !... Mais là, à Birkenau, à la différence des vitrines d’Auschwitz I, nous sommes dans le suggéré, dans l’abstrait de la réflexion, non dans l’étalage à l’état brut de l’Horreur des vitrines évoquées précédemment).

Il faut dire que, si sur le site même le commerce lié aux visiteurs… et, écrivons-le à présent car c’est inévitable, du tourisme, m’a paru discret (et nécessaire !) avec quelques boutiques de livres / cartes postales et des buvettes-sandwiches-merguez (à noter que j’y étais fin avril / début mai, sous la pluie et non en juillet/août, sous la chaleur et le soleil), le tapage et le discutable se trouve sur le Web. Ainsi se vendent des photos d’Auschwitz et Birkenau http://www.fotosearch.fr/photos-images/auschwitz.html entre € 49 et 149 ; quel business ! Mais qui peut acheter de telles images !? Notons qu’ici comme ailleurs, la concurrence joue et les tarifs de  http://www.canstockphoto.fr/auschwitz-birkenau-concentration-camp-4958835.html ou de http://www.photaki.fr/photo-entree-du-camp-de-concentration-d-auschwitz-birkenau_172733.htm  sont tout de même plus raisonnables !

Est-il oui ou non vrai que Lénine aurait un jour déclaré (certains affirment écrit) quelque chose du genre le dernier des capitalistes vendra la corde avec laquelle on le pendra ?

S’il ne l’a pas dit, il aurait pu, il aurait dû (7) !

Le décor étant planté, venons-en à présent à l’accusation mille fois répétée selon laquelle les attitudes douteuses, voire inadmissibles, seraient essentiellement le fait des jeunes visiteurs souvent en voyage scolaire et, pour lancer le sujet (… il faut trouver une ‘’entrée’’, dit-on aujourd’hui dans le jargon du bien-penser pédagogique J !!), référons-nous à l’un des textes assez connus des enseignants sur le sujet :

Sources : httpartic.ac-besancon.frlp_lettresgroupedetravailtemoignageauchwitzArticle%20Auschwitz.doc  

 « La provocation est une façon de remettre la réalité sur ses pieds » -

 Bertolt BRECHT

 

VISITER AUSCHWITZ-BIRKENAU AVEC DES ELEVES : SOUS QUELLES CONDITIONS ?

 

 « Certains arpentent le site, téléphone portable à l’oreille.

Ça capte très bien, à Auschwitz I comme à Birkenau, mieux que dans certains coins de France.

Le 27 janvier 2004, à Auschwitz I, le portable d’une visiteuse […] a sonné :

 - Ça pourrait aller mieux, je suis dans une chambre à gaz, a-t-elle répondu à un interlocuteur qui lui demandait probablement de ses nouvelles. »

 

Annette WIEVIORKA, Auschwitz, la mémoire d’un lieu, p 18, Hachette Littératures, 2005

 

Cette anecdote est-elle véritablement choquante ? Cela paraît évident en termes de valeurs traditionnelles mais, du fait des mentalités en 2011 et de cette habitude qu’ont les jeunes générations de se promener téléphone en main en permanence (… si seulement cela les empêchait de fumer ; mais non ! la nature nous a doté de 2 mains !!!), je ne sais plus trop.

 

A Auschwitz-I,  j’ai observé une élève venue de France en pèlerinage avec son lycée qui allait de vitrines en vitrines, photographiant systématiquement tout ce qui était exposé. Deux de ses accompagnateurs l’observaient l’œil agacé et désapprobateur jusqu’au moment où l’un d’eux, choqué me semble-t-il parce qu’elle venait de photographier une urne funéraire en verre transparent où apparaissaient des cendres humaines de couleurs différentes, s’est dirigé vers elle visiblement bien décidé à calmer ses ardeurs de reporter du malheur, du sordide. Au moins aussi curieux que mon chat, je me suis approché. Le collègue expliquait qu’il y a des images que l’on trouve dans les livres d’histoire, dont parfois les manuels scolaires, qui sont là pour informer et former, mais que ces mêmes images faites à titre personnel n’offrent aucun intérêt, car au retour qu’allait-elle en faire ? Avec beaucoup de sérieux et de sincérité apparente, l’élève, qui devait avoir quelque 16 ans, lui répondit que photographier l’aidait à se concentrer sur les commentaires de sa guide puis que, dans le futur, ces images soutiendraient sa mémoire.

Le collègue, qui était pourtant parti d’un pas décidé, a semblé ébranlé et n’a rien répondu ; je le comprends et partage son point de vue silencieux, mais éloquent.

 

Evoquer les grands principes de respect, certes ; mais lesdits principes sont-ils toujours les mêmes hier qu’aujourd’hui ? Et puis cette gamine que j’ai vu un moment plus tard sortir d’une salle du musée en essuyant discrètement une larme entre deux prises de vue, était-elle irrespectueuse ? Absolument pas. Un sérieux exemplaire, une concentration bienvenue sur les commentaires de sa guide. Rien à redire si ce n’était, pour les gens d’une génération antérieure à la sienne, le déclic incessant de son appareil photographique.

… La photographie en tant que bloc-notes ? Après tout, pourquoi pas à l’époque du tout (ou presque) par l’image via l’Internet, de l’i-phone, de l’i-book et autres aïe-j’ai-le-sentiment-que-le-monde-bouge-très-vite-et-qu’il-va-falloir-s’accrocher-pour-ne-pas-devenir-sénile-prématurément ; si vous en doutez, donnez donc un coup d’œil sur http://actualite.portail.free.fr/monde/a-la-une/08-05-2011/allons-nous-louper-la-revolution-genetique/  ou http://www.causeur.fr/allons-nous-louper-la-revolution-genetique,9788  et profitez-en pour réfléchir aux activités, aux emplois de demain, Le Causeur étant peut-être bien pessimiste sur le dynamisme de la jeunesse française ; à vous de le lui montrer.

 

Cela étant, et vous, qu’auriez-vous répondu à ‘’notre’’ lycéenne ?

(Un collègue me dit avoir connu une situation similaire ; l'élève lui avait répondu que ses parents avaient fait un effort financier pour qu'il puisse participer à un ''voyage scolaire'' également à Auschwitz. Le garçon s'était engagé à faire un maximum de photographies pour, à son retour, partager -l'expression est à la mode dans le petit monde de l'enseignement- avec eux ce qu'il avait vécu)

La photographie en ces lieux a été pour moi un sujet d’étonnement et de réflexion à la suite de cette rencontre, car c’est seulement alors que j’ai pris conscience que, pour la première fois de ma vie, j’avais totalement oublié que j’avais, comme toujours en voyage, mon appareil autour du cou. Certes, en entrant sur le site d’Auschwitz-I, j’avais photographié le tristement célèbre Arbeit macht frei (le travail rend libre), puis une partie de la ceinture de barbelés mais, ensuite, mon instinct de photographe m’avait abandonné ; tout à fait oubliée la présence mon appareil photographique. A l’évidence, j’étais sous le choc et je n’allais pas ajouter au malaise que je ressentais du fait de cette espèce de voyeurisme malsain déjà évoqué l’indécente indiscrétion de mon objectif.

Interpelé par l’attitude opposée de ‘’ma’’ lycéenne de rencontre, je me suis souvenu qu’à l’entrée du site j’avais eu le regard (… et l’objectif !) attiré par une pancarte faisant le récapitulatif de la liste impressionnante des ‘’interdits’’.  Amusé (… ou dépité), j’avais porté à l’œil le viseur de mon appareil mais, face à la foule qui passait devant et, plus encore peut-être, la pluie qui tombait à verse, j’avais remis ce cliché à plus tard, lorsque je sortirai. J’ai totalement oublié… En sortant brassé et blessé au plus profond de moi-même , j’avais l’esprit totalement ailleurs et, de toute manière, il s’était remis à tomber des cordes.

Dommage, il y avait là matière à faire le catalogue des attitudes considérées comme choquantes par les autorités du Musée ; par les générations d’âge mûr. Il me semble avoir relevé chiens interdits, ne pas fumer, manger… Je ne sais plus, les icônes étaient trop nombreuses, mais je sais que certaines mentions relevait du haut folklore de la caricature du tourisme de masse.

Dans son code de bon maintien, la Direction du site indique :  ’Le visiteur est autorisé à prendre des photos à titre privé sur l’ensemble du site du Musée Auschwitz-Birkenau sauf dans la salle avec les cheveux des prisonniers (bloc 4) et dans les sous-sols du bloc 11 (le ‘’bloc de la mort’’, voir par ex. http://en.auschwitz.org.pl/z/index.php?option=com_content&task=view&id=16&Itemid=35) . L’usage du flash est cependant strictement interdit’’ http://www.auschwitz-birkenau.fr/visites-guidees

Personnellement, j aurais au moins ajouté la chambre à gaz, les crématoires, les potences… ET les photos-souvenirs individuelles ou de groupe sur les sites !

   

Choquant ?

A vous de juger.

 

Voici la page d’un blog http://lalieaxel.skyrock.com/4.html.

 Il a été créé non par un ‘’jeune’’, mais par une femme jeune qui avait 36 ans en avril 2007 (date de création du blog).

Au cas où la bloggeuse en cause passerait par ces pages, surtout qu’elle ne voit dans ce qui suit aucune attaque personnelle ; ce serait d’autant plus stupide que je ne la connais pas. Mon choix procède uniquement du fait que ses pages sont une illustration de choix pour ce que je souhaite exprimer, car elles concentrent tout qui est pour moi d’une incompréhension quasi-totale, ou presque. Les avoir trouvées, m’évite de multiplier les exemples et les références.

 

Si j’ai bien suivi les explications de ‘’notre ’’ bloggeuse, elle rencontra à Auschwitz un groupe de collégiens, se joignit à lui et fit des photographies. Voici le pêle-mêle que l’on pourrait imaginer –et qui, c’est plus fort que moi, s’est imposé spontanément à mon esprit en prenant connaissance da sa présentation- : pour en accentuer le caractère incongru... indécent (?), mettons en fond du pêle-mêle sa page http://lalieaxel.skyrock.com/2.html (crématoires), et disposons dessus le choix d’images suivant.

 

· Le groupe de collégiens que ’’notre’’ bloggeuse a photographié : en totalité devant la ‘’Porte de la mort’’ (côté intérieur du camp) ou, par petits groupes, devant l’étang de Birkenau, là où les Sonderkommandos dispersaient des cendres de victimes (pour les deux photos, voir http://lalieaxel.skyrock.com/9.html ) ; les accompagnateurs du groupe n’ont-ils pas réagi ?

 

· Les photos qui la représentent :

o à Auschwitz-I sous ‘‘la’’ bannière (http://lalieaxel.skyrock.com/1.html) ,devant (http://lalieaxel.skyrock.com/3.html) et entre des barbelés (http://lalieaxel.skyrock.com/4.html ;

o à Birkenau, entre les rails du train (http://lalieaxel.skyrock.com/4.html)

 

Résultat du montage ? J'ai longtemps hésité à l'inclure à ce post et, finalement, je l'ai fait (en masquant bien sûr les visages)...

Il est évident que je supprimerai le pêle-mêle sur simple demande.  

En attendant, à chacun des visiteurs de se faire une idée, de se prononcer : ces images sont-elles déplacées ?

  

Sans-titre-True-Color-03.jpg

 

Se fait-on photographier, fait-on des photos-souvenirs d’amis ou de proches sous le porche d’Auschwitz ou celui Birkenau ?

 

Il ne m’en viendrait personnellement pas l’idée ; mais après tout ?...  Il y a sur le Net des sites qui font des présentations comparables et bien d’autres qui vont beaucoup plus loin dans ce qui me semble être une horreur, une totale indécence à l’égard des victimes : images-souvenirs devant un crématoire, devant le mur de la mort (ou mur noir) de la cour sise entre les ‘’blocs 10 et 11’’ (http://en.auschwitz.org.pl/z/index.php?option=com_content&task=view&id=16&Itemid=35) ou, cela a été déjà mentionné, sous la potence à laquelle a été pendu Rudolph Höss ou encore celle, collective, située sur l’espace où se faisaient les appels, souvent cruels, des détenus .  

 

J’ai le sentiment que quelque chose m’échappe.

La morale publique réagit avec violence face à la récente publicité du ‘’Minou tout doux’’ lancée par Veet (gamme de produit dépilatoire, cires et crèmes) –elle était toujours en ligne sur http://www.gentside.com/veet/veet-s-039-occupe-des-minous-dans-sa-nouvelle-pub_art22281.html cela à un point tel qu’elle a été interdite d’antenne-,et http://actualite.portail.free.fr/insolite/06-05-2011/veet-ne-veut-plus-parler-de-son-minou-tout-doux/.

Dans le même temps, on publie sans retenue aucune sur le Net des images des camps de concentration qui sont, à mon sens, beaucoup plus choquantes… et de loin.

 

On s’émeut devant les lignes d’Anne Grynberg selon laquelle, en venant en pèlerinage à Auschwitz ‘’[…] on est à même de «vérifier » ce qu’on a appris par ailleurs, tout en étant saisi à chaque pas par l’horreur : quand on passe tout près des fosses communes ; quand on découvre une petite pile de couverts tordus, abandonnés là depuis soixante ans ; quand on s’aperçoit que ses chaussures se couvrent au fur et à mesure de la marche d’une pellicule d’une étrange poussière blanchâtre mêlée de cendres… ‘’ (http://www.cairn.info/revue-les-cahiers-de-la-shoah-2005-1-page-15.htm , alinéa 36 ou p. 29 du dossier téléchargeable disponible en ‘’.pdf’’)

Puis-je ajouter que les jours de pluie, cette poussière blanchâtre se transforme ici et là en une étrange boue dont on se refuse, sans quelques larmes de peine et de rage extériorisées ou non, à identifier la nature.

Et c’est cela qu’il conviendrait de photographier à en croire une partie des nouvelles générations ?

S’il en est ainsi, bloc-notes par photos interposées ou pas, il faut que je songe sérieusement à mon départ à la retraite pour m’enfermer dans mes valeurs d’un  autre âge, car ces valeurs, j’y tiens. Fort heureusement, je sais que je n’y serai pas isolé de la fraîcheur de la jeunesse et de son dynamisme purificateur. Ma fille m’approuve du haut de ses 23 ans, plusieurs de ses amis également… et je connais bien des étudiants qui me suivent. Mais qui sait, peut-être sont-ils séniles avant l’âge à mon contact…

Cela dit, je ne pense pas que la majorité de la jeunesse approuve cette attitude car, autre solution, complémentaire ou supplétive, il y a dans la démarche photographique une culture personnelle.

J’ai vu la Tour Eiffel, Nelson sur sa colonne à Trafalgar Square, le soleil de minuit et des Lapons, j’ai pataugé dans les neiges éternelles (pour combien de temps encore ?) de l’Himalaya, je suis resté ébahi par les nuances du Taj Mahal au coucher du soleil, j’ai vu le Gange à Vanarasi et bu la gorgée de ses eaux que m’a respectueusement offert un shadou sur les bords des ghats , j’ai vu Babylone et la supposée tour de Babel, j’ai campé avec des nomades…. : vous pouvez fouiner dans toutes mes photos, nulle part vous ne trouverez une image montrant ma frimousse en premier plan de ces scènes, lieux et monuments. A mes yeux, ce type de photos n’offre aucun intérêt.

Je sais que pour bien des voyageurs, il en va tout autrement et je veux bien concevoir qu’il soit acceptable, vis à vis du respect que l’on doit aux victimes de la Shoah, d’aller jusqu’à se faire photographier sous le porche d’Auschwitz-I avec pour signification, je suppose, de lancer auprès de ceux qui verront l’image un message style variante de la célèbre phrase attribuée à César : j’y suis allé, j’ai vu et je témoigne, à défaut de vaincre… les négationnistes.

Par contre, il me faut le reconnaître,  je décroche totalement pour toute photo qui associe un ou plusieurs personnages avec potences, chambres à gaz, crématoires ou train de la mort, que ce soit la porte par laquelle il entrait à Birkenau, que ce soit les rails qu’il empruntait, que ce soit encore le wagon qui a été laissé comme témoin.

 

Que peut apporter une telle photographie ?

Le désir de se fondre dans le temps et l’espace pour se superposer à l’esprit de ceux qui, plein d’angoisse et d’effroi, débarquèrent sur ces quais sordides pour aller directement dans l’une des chambres à gaz ou attendre une mort lente provoquée par la sous-nutrition, le travail forcé, les humiliations et punitions, le désespoir, la maladie ?

… J’avoue ne pas être convaincu.

 

Je pencherais plutôt pour l’hypothèse selon laquelle ce type de prises de vue proviendrait d’un réflexe conditionné par la culture que nous inculquent les médias contemporains, lesquels ne peuvent donner des informations, produire un film ou un jeu vidéo sans inonder l’écran ou leurs propos d’hémoglobine, de terreur et d’horreurs à la petite semaine.

Puis-je m’étonner que les ‘’affaires’’ qui, il y a peu d’années encore, entraient dans la catégorie dite ‘’des chiens écrasés ’’ puissent faire aujourd’hui les gros titres des journaux comme si, faute d’informations sinistrement importantes, on déterrait ici deux ou trois cadavres mutilés, là quelques corps de bébés congelés pour entretenir le catastrophisme et l’horreur désormais nécessaire aux mentalités du temps.

 

Banalisation de la violence et banalisation de l’horreur : les irrespectueux des lieux de mémoires, me semblent être vos enfants…

 

En fin de compte n’est-il pas sain de constater que la curiosité de nos concitoyens les pousse à être de plus en plus nombreux à préférer puiser leur culture quotidienne dans Plus belle la vie que dans le J.T. de TF1 qui, de mémoire de télédiffusion française, reste l’émission d’information et de culture la plus regardée d’Europe (8) ?

Les irrespectueux des lieux de mémoire me semblent également être les enfants de la culture Ras-les-pâquerettes dont peut témoigner Plus belle la vie, ce qui peut expliquer que certains puissent confondre les lieux et cherchent essentiellement –but fondamental de la visite ?- à identifier, ici et là, en faisant éventuellement totalement fausse route,  le cadre de la séquence où a été tourné tel ou tel film connu, affichant ainsi plus ou moins consciemment’leurs mépris de l’histoire et des victimes’’, comme le souligne http://est.skynetblogs.be/archive/2007/07/25/que-cherche-ces-touristes-ou-shoah-busines .html , blog tenu par une habitante hébraïque d’Oświęcim, nom polonais et donc nom véritable d’Auschwitz qui est avant tout aujourd’hui une bourgade industrielle, scandalisée par le développement du Shoah Business. Ses grands-parents furent déportés et moururent à Auschwitz (http://est.skynetblogs.be/archive/2009/08/09/8-aout-2006-et-8-aout-2009.html). La photographie de sa grand-mère figure au nombre des documents exposés à Auschwitz-I, et comme elle se rend souvent sur le site, cela lui donne parfois l’occasion de se heurter aux attitudes déplacées, voire choquantes et même provocantes de certains (http://est.skynetblogs.be/archive/2009/03/20/negationnisme.html).

 

L’inculture, l’un des fléaux de notre temps.

          

Le pèlerinage à Auschwitz et Birkenau doit-il être réalisé par chacun ?  Oui ; mille fois oui ! Il est à conseiller à tout être de bonne volonté. Vous en reviendrez très probablement différent de celui que vous étiez en partant.

Mais, s'il vous plaît, si vous avez tout oublié de vos cours d’histoire depuis le lycée, comme cela a été maintes fois souligné au moins depuis Claude Lanzmann dans sa Shoah, informez-vous avant de partir afin de réalisez pleinement que ce n’est pas un lieu touristique et que, même s’il tend à le devenir (9), ce lieu demeure pour le moins d’une nature très particulière : un gigantesque cimetière d’enfants, de femmes et d’enfants morts dans des conditions épouvantable et cela sans aucun motif.

C’est la martyrologie de l’effroi.

Une comparaison qui choquera peut-être, mais que m’importe : qui aurait l’idée de se rendre en Terre Sainte pour suivre le cycle christologique sans savoir qui est et ce qu’a fait Jésus ?

 

Le plus dramatique est, me semble-t-il, que le vécu de La solution finale n’a pas suffi à l’humanité puisque des horreurs comparables se perpétuent toujours et encore.

 

L’homme n’a pas compris la leçon.

 

Bien des bloggeurs citent Marx selon lequel celui qui ne connaît pas l’histoire est condamné à la revivre (10)… Si cela est vrai, Messieurs les Ministres de l’Education Nationale de tous les pays, il est urgent d’accroître les heures d’enseignement d’histoire et de faire passer un diplôme spécifique pour vérifier que les notions les plus élémentaires de la connaissance du passé ont bien été acquises… à moins qu’il ne faille revoir irrémédiablement la manière d’enseigner l’Histoire.

La mort d’un homme est une tragédie.

La mort de millions d’homme, une statistique.

Joseph Staline (11)

 

 

 

Ajout du 17 février 2016. Au sujet de la question "pourquoi photographier / filmer ?", voir http://le-bosse-fort.over-blog.com/2016/02/auschwitz-je-clique-donc-je-suis.html

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(5) ‘’Une personne toutes les deux secondes au mois d’août [en 2009] sous la porte Arbeit macht frei ’’ a-t-il été calculé dans ‘’Le futur d’Auschwitz’’, une étude publiée dans les Cahiers Iris dirigée, , par Annette Wieviorka et Piotr Cywinski http://irice.univ-paris1.fr/IMG/pdf_Volume_integral_Cahier_7_-_copie.pdf, p. 48

 

(6) Sur l’émotionnel et le danger de la fascination par l’horreur, vo

ir des réflexions intéressantes sur http://d-d.natanson.pagesperso-orange.fr/auschwitz_nest_pas.htm ; donner également un coup d’œil au vécu d’une juive installée à Oświęcim http://est.skynetblogs.be/archive/2009/03/20/negationnisme.html

 

(7) Depuis qu’un collègue m’a affirmé, sûr de son fait, mais sans le prouver, que Lénine n’avait probablement jamais prononcé (et encore moins écrit) cette boutade pourtant célèbre, j’hésite à l’utiliser. Curiosité, j’ai profité de l’occasion qui m’était donnée ici pour tenter d’en savoir plus. J’ai donc jeter un œil rapide sur l’Internet et ou bien j’ai effectué trop vite ma recherche, ou bien, une fois encore, nous sommes en présence d’une illustration des limites de cet outil virtuel qui, jeunes gens, constitue néanmoins pour beaucoup d’entre vous le fondamental de vos recherches bibliographiques… lorsque vous daignez en faire ! Je n’ai en tout cas pas trouvé de réponse claire. On observe que la phrase semble varier au gré de la fantaisie de ceux qui l’utilisent. Ainsi, pour Eric Laurent, sa teneur exacte serait  « Les capitalistes nous vendront eux-mêmes la corde avec laquelle nous les pendrons », et son commentateur, Ph. Motreau Defarges, ne redoute pas d’utiliser des expressions du genre ‘’Lénine a écrit quelque part ’’ ; que voilà une belle rigueur universitaire ! http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032342x_1985_num_50_2_3477_t1_0494_0000_3. Pour un dictionnaire de citations, le ‘’eux-mêmes’’ n’est pas de mise http://www.toupie.org/Citations/Lenine.htm. Le politique Jacques Bouteyre, propose "le capitalisme nous vendra même la corde avec laquelle nous allons le pendre". Jacques Bouteyre cite ‘’ "le capitalisme nous vendra même la corde avec laquelle nous allons le pendre" http://jacquesbouteyre.blogspirit.com/archive/2006/11/06/russie-lenine-avait-raison-le-capitalisme-nous-vendra-meme-l.html. Bernard Gensame se prononce pour « Le jour où nous voudrons pendre les capitalistes, ils nous vendront eux-mêmes la corde pour le faire. » http://justice.skynetblogs.be/tag/d%C3%A9localisations...  Dans ce fatras d’imprécisions et de fantaisie, je suggère de faire confiance à la compétence d’Ernest Mandel en matière de culture communiste qui, pas plus que les autres, donne les origines de la phrase mais qui, dans un texte publié dans la Quatrième Internationale, n° 41 (ancienne série), janvier 1970 se prononce pour ‘’ l'avant-dernier capitaliste vendrait la corde pour pendre le dernier ’’ http://www.ernestmandel.org/fr/ecrits/txt/1969/althusser_corrige_marx.htm. Navré de ne pouvoir aller plus loin ; j’avoue sans honte aucune que je ne suis pas un spécialiste de Lénine… Si quelqu’un dispose de la réponse exacte et précise, je suis preneur au titre de la curiosité ; merci.

 (8) Télé Star, semaine du 7 au 13 mai, La détresse de Laurence Ferrari pp. 18-19 : seulement 263 000 spectateurs de plus pour la jolie journaliste le 19 avril dernier. Référence hautement culturelle !!! ;-)        

(9) Outre ce que j’ai pu dire, il faut signaler la récente publication d’un véritable guide touristique, même s’il a reçu le titre plus adapté, car plus pudique et réservé, de ‘’guide historique’’. Si je comprends les intentions plus ou moins avouées clairement de Jean-François Forge et Pierre Jérome Biscarat, photographies de Léa Eouzan (Guide historique d’Auschwitz, Ed. Autrement, avril 2 011), ils ont entendu devancer les inévitables guides véritablement touristiques qui ne vont pas manquer d’être publiés face au développement touristique de masse que semble connaître Auschwitz. L’initiative mérite d’être saluée. Voir notamment : http://culturebox.france3.fr/all/32827/guide-historique-d_auschwitz-de-jean-francois-forges-et-pierre-jerome-biscarat#/all/32827/guide-historique-d_auschwitz-de-jean-francois-forges-et-pierre-jerome-biscarat,http://www.defense.gouv.fr/actualites/memoire-et-culture/publication-d-un-guide-historique-sur-auschwitz, http://www.autrement.com/ouvrages.php?ouv=2746714847

L’ouvrage devrait être utile tant pour la préparation du déplacement que pendant la visite des lieux elle-même. Je viens de le commander et ajouterai éventuellement un post une fois que j’en aurai pris connaissance.

Je confirme : ouvrage à avoir dans sa bibliothèque avant et pendant le déplacement (à mon sens, il peut être également utile pour une information historique sans déplacement). La lecture de certains passages pourra sans doute paraître trop crue… Certes, mais lorsque sont décrits des lieux particulièrement sensibles, les auteurs, avec raison me semble-t-il, ont utilisé le témoignage de ceux qui ont connu (ex. p. 151 pour aider à la description du Crématoire III). Peut-être aurait-ils pu / dû utiliser plus souvent ce type de présentation.

 

(10) Encore une citation genre lieu commun dont j’ignore l’origine exacte… qui comble cette nouvelle lacune ?

(11) in épilogue d’Une Exécution ordinaire de Marc Dugain (2010), d’après le roman de Marc Dugain (2007)… Encore une lacune ? Quand et où Staline a-t-il lancé cette cynique horreur ?

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